Histoires, anecdotes, surprises, quiproquos… nos auteurs vous font partager leurs souvenirs, expériences et réflexions.
Aujourd’hui, c’est Christelle qui nous raconte comment un petit livre, qu’on pourrait penser passer inaperçu, a touché et remué le passé de deux personnes de sa région… Une lumière dans la nuit… Qui n’en finit pas de briller.
Il y a quelque temps, un lecteur me demandait le mot qui me venait à l’esprit quand je pensais à l’acte d’écrire. « Respiration »… c’est le premier mot qui m’était venu à l’esprit ; suivi de très près de « partage ». Aujourd’hui, après la publication d’Une lumière dans la nuit, cette idée de partage prend toute sa force.
Comme beaucoup, je ne réponds quasiment jamais quand on m’appelle sur ma ligne fixe, trop de démarcheurs. Sauf que cette fois-là, j’aurais dû. Car en consultant mon répondeur, je découvre un message émouvant. À sa voix, je devine que monsieur M. n’est plus très jeune… Il m’explique avoir lu le dernier article paru sur Une lumière dans la nuit. Il habite à Honfleur et il m’informe que gamin, il allait régulièrement chez Clara… (Imaginez ma surprise et mon émotion…). Il allait régulièrement chez Clara et même… il a gardé une photo de cette époque, photo qu’il me propose de m’envoyer. Monsieur M. me laisse son numéro de téléphone, il attend mon appel, si toutefois je suis intéressée. Si je suis intéressée ? C’est peu de le dire.
[ N.D.L.R. : Une lumière dans la nuit relate l’histoire de Clara, l’arrière-grand-mère de l’auteure, déportée pour avoir secouru des parachutistes alliés lors du débarquement en Normandie). ]
Je l’appelle dès le lundi. Notre discussion est interminable. Les souvenirs appellent les souvenirs ; j’ai les larmes aux yeux. Il me parle de mon arrière-grand-mère, telle qu’il la voyait enfant, dans les années 30. Je découvre non plus une résistante mais une femme simple, drôle, gaie… Monsieur M. me parle de François, le fils de Clara, mort pour la France à 24 ans. C’était son copain. À cet instant, ils me semblent tous si proches… Clara, François dont le rêve était d’être écrivain… Alors, monsieur M. me précise « je me rappelle même de sa voix ». Cette phrase me touche infiniment. Sa voix… Je me rappelle que Suzanne, ma grand-mère avait aussi évoqué sa voix. Sa voix et cet accent, qu’elle n’avait jamais perdu. Eh oui, Clara était anglaise.
Hier, j’ai reçu cette photo. Je suis surprise par sa qualité, elle a tout de même plus de 80 ans. Je plonge mon regard dans celui de mon aïeule. Elle tient une petite fille sur ses genoux, je ne sais pas qui elle est, mais je l’ai déjà vue sur d’autres photos. À côté, deux autres enfants, monsieur M., qui mange son goûter et sa grande sœur, qui tient un chaton dans ses bras. Près de Clara, un chien. Oui, c’est une scène de vie de tous les jours, avant les grands tourments. Ils sont assis sur le perron de la maison de Clara. Plus je la regarde et plus je me dis que Mélina mais aussi Léo lui ressemble. Je regarde sa chevelure épaisse et je pense à la mèche qui dort dans mon secrétaire…Quelle coïncidence, quel beau cadeau !
Sauf que quelques jours plus tard, nouveau message, nouvelle photo. Tout aussi extraordinaire. Un autre monsieur… monsieur G. Sur cette photo, trois jeunes militaires, riants, deux assis dans une brouette, le troisième qui la pousse. Ils sont beaux, ils sont jeunes. Avec la photo, une adresse. Et une explication : ce jeune homme qui pousse la brouette est un des Britanniques que Clara a contribué à sauver, en le cachant et en servant d’interprète. Encore une fois, l’émotion me prend à la gorge. Ils sont si jeunes. Et une fois encore, je me sens fière de Clara et de ses compagnons…
Quand j’ai décidé de reprendre le livre de Clara, on m’a demandé si c’était « un bon calcul », si c’était « légitime »… On m’a fait remarquer « cela commence à dater » ou « c’est du local »… C’était vrai. Mais monsieur M. qui a fouillé dans ses vieux dossiers pour retrouver cette photo, et monsieur G. qui a fait la démarche de me contacter… Et si c’était ça : le partage ?
Une lumière dans la nuit – Christelle Angano
Le 5 juin 1944, des parachutistes anglais censés être largués au-dessus de Merville-Franceville se retrouvent à 35 km de là, près de Barneville-la-Bertran, au sud d’Honfleur. Une poignée de civils leur porte secours. Le 18 juin 1944, tous sont arrêtés et déportés. Clara, mon arrière-grand-mère, était l’une de ces personnes. J’ai voulu retracer son parcours pour lui rendre hommage, et pour rappeler à nos souvenirs tous ces anonymes bas-normands qui ont oeuvré, au péril de leur vie, pour que nos enfants puissent connaître la liberté. Il me fallait écrire et raconter leur histoire. Parce que la mémoire est essentielle pour préserver la paix et pour que, plus jamais, ne s’éteigne la lumière.
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