Facebook répond au besoin que nous avons tous de n’être pas invisible, de n’être pas inconnu, de n’être pas rien.
Arnaud Genon, spécialiste de l’autobiographie littéraire et auteur de plusieurs récits personnels nous a surpris en nous proposant de nous parler de Facebook…
En nous relatant ses propres expériences sur ce réseau social, il nous amuse et nous questionne. L’occasion de réfléchir un peu, de prendre du recul, et surtout de passer un agréable moment de lecture.
Pour mieux comprendre quel était son projet au départ, nous lui avons posé quelques questions.
Arnaud Genon, qui êtes-vous ?
Je ne sais pas vraiment, mais Facebook le sait mieux que moi. Ainsi, selon les informations figurant sur mon profil, dans la rubrique « À propos », j’enseignerais les lettres et la philosophie à l’École européenne de Karlsruhe, en Allemagne, j’aurais vécu au Maroc et en France, je serais l’auteur d’une thèse soutenue à l’Université de Nottingham consacrée à Hervé Guibert. Je serais marié et j’aurais deux enfants. Et surtout, j’aurais 490 amis ! En temps de pandémie, n’est-ce pas un peu dangereux de réunir tout ce petit monde dans une seule pièce ? Je dis tout cela au conditionnel, car l’on sait qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre ce qui circule sur Facebook…
Après plusieurs ouvrages très personnels et/ou consacrés à la littérature, vous écrivez sur les réseaux sociaux. Surprenant. Pouvez-vous nous raconter la genèse de Vivre sans amis ?
J’ai écrit des ouvrages dits « savants » consacrés à l’autofiction, à Hervé Guibert, mais aussi des livres beaucoup plus intimes : un livre sur le deuil (Tu vivras toujours, Éditions de la Rémanence, 2016), un sur la manière dont les écrivains que l’on aime marquent notre vie (Mes écrivains, Éditions de la Rémanence, 2018), un sur les photos de famille et ce qu’elles disent de notre histoire (Les Indices de l’oubli, Éditions de la Reine blanche, 2019). Ce sont des textes personnels, mélancoliques, qui disent l’enfance, la perte, la résilience. J’avais envie de quelque chose de plus léger, de plus superficiel. Quoi de plus superficiel que Facebook ? J’utilise ce réseau social depuis plusieurs années, de manière très régulière, j’y perds beaucoup de temps, comme pas mal de monde. Un jour, de la même manière que j’ai arrêté de fumer il y a plus de 12 ans, je me suis dit : « il faut que j’arrête Facebook ! ». Et j’ai consacré le temps habituellement perdu sur le réseau social à écrire sur ce qu’il m’inspirait, à raconter des anecdotes que j’y avais vécues ou à noter quelques réflexions sur le sens ou non-sens à y passer autant de temps. Je n’ai jamais repris la cigarette. Mais Facebook est plus fort que la nicotine… J’ai replongé.
Depuis votre retour sur Facebook, avez-vous modifié ou retrouvé vos habitudes ? La rédaction du livre a-t-elle changé quelque chose, où n’était-ce qu’une promenade réflexive ?
En fait, je savais dès le début que cette pause « virtualo-sociale » était le prétexte à un livre. Je n’ai jamais cru que j’allais véritablement quitter Facebook. C’était une sorte de petite expérience personnelle. La rédaction du livre n’a pas changé grand-chose car j’utilise le réseau avec du recul et je fais d’ailleurs encore régulièrement des pauses, pas aussi longues, mais il m’arrive de me détourner de cette autre planète plusieurs jours, sans aucun problème. Donc, pour vous répondre, j’ai retrouvé mes (mauvaises) habitudes. Je les assume totalement. Je ne suis qu’un pauvre mortel (mais, paraît-il, mon profil me survivra !).
Ce livre constitue-t-il un tournant dans vos écrits ? Envisagez-vous, par le prisme autofictionnel, d’aborder de nouveaux sujets, ou alors de vous essayer à la fiction ?
Je travaille actuellement à un livre de lettres autour de l’écrivain Hervé Guibert qui reste celui dont l’œuvre m’a le plus marqué, celle qui me touche le plus, dont je ne m’éloigne jamais longtemps. Je corresponds avec des personnes qui l’ont connu, d’autres pour qui il a eu beaucoup d’importance. Je voudrais à partir de ces échanges dessiner un portrait de lui qui serait fait de différentes subjectivités, une sorte de kaléidoscope dont il serait le centre. Car ce qui m’intéresse dans l’écriture c’est l’expression du « je » dans toutes ses dimensions…
Vivre sans amis – Arnaud Genon
Un matin, le narrateur ressent ennui et lassitude à surfer sur la vague molle des réseaux sociaux. Il décide subitement d’une abstinence totale en la matière, pendant un mois minimum.
Les instants habituellement passés à faire défiler le fil d’actualité de ses amis seront désormais consacrés à l’écriture de ce qui arrive à quiconque quitte ce monde virtuel. Il rapporte alors, dans ces notes qui se substituent à ses posts, quelques-unes de ses expériences dans cet autre univers et se livre à une réflexion – amusée et désabusée – sur ce que signifie vivre sans amis.
Arnaud Genon a publié plusieurs articles et essais sur Hervé Guibert et l’autofiction. Il est l’auteur, aux éditions de la Rémanence, de Tu vivras toujours (2016) et de Mes écrivains (2018). Il a publié, aux éditions de La Reine Blanche, Les indices de l’oubli (2019), une réflexion littéraire sur les photographies de famille.
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