C’est un roman qui apporte beaucoup d’émotions et de réflexions, je crois, qui bouscule aussi car il aborde la question du sentiment maternel de manière assez inhabituelle.
Dans la lignée de ses précédents ouvrages, Karine Langlois aborde les questionnements identitaires, la fragilité humaine et les contours de la féminité. Avec ce quatrième roman, elle s’aventure en terrain glissant, celui de la maternité, qui, parfois, dérange, perturbe, ne peut pas être… Un roman puissant, intense, sincère, d’une beauté dérangeante.
Bonjour Karine Langlois, pourriez-vous vous présenter : qui êtes-vous ?
Je suis professeur de français pour le CNED et auteur. J’écris des romans psychologiques que j’ai besoin de nourrir avec des problématiques qui me tiennent à cœur, et des émotions qui me touchent de près. Dans ma vie personnelle, comptent pour moi l’amour de mon mari, la Nature, les animaux (en particulier le chien) et l’Art, essentiels pour faire exister la part immuable de mon identité.
On a tous dans le cœur une petite fille oubliée est votre quatrième roman. Quel en est le thème ?
Il s’agit de l’histoire d’Anne qui, à 38 ans, découvre qu’elle est enceinte mais c’est une grossesse qu’elle ne désire pas, qu’elle rejette même complètement. On va suivre alors ses questionnements, parfois dérangeants, ses douleurs présentes et passées, dans une sorte d’urgence qui rend le roman intense, je pense. On ne sait pas si Anne va réussir à accepter cet enfant à naître.
C’est un roman qui apporte beaucoup d’émotions et de réflexions, je crois, qui bouscule aussi car il aborde la question du sentiment maternel de manière assez inhabituelle, loin de l’image d’Epinal qui veut que ce soit le vœu de toute femme d’avoir un enfant. Ici, l’annonce de la grossesse n’est pas un « heureux événement » pour Anne. Le livre est un peu construit comme une tragédie : on cherche des solutions, on se débat avec l’impression que la fatalité s’abat sur vous et qu’il n’y a rien à faire. Mais le roman n’est pas une critique de la maternité, au contraire : on comprendra qu’il s’agit d’un hommage à ce sentiment qui peut être néanmoins difficile à construire, selon les problématiques personnelles de chaque femme.
Pourquoi avoir voulu parler de ce sujet peut-être encore tabou du rejet de la maternité chez certaines femmes ?
Le roman arrive logiquement à un certain moment de mon cycle d’écriture. Je me rends compte qu’il y a un fil conducteur dans mon travail, qui n’était peut-être pas conscient au départ, mais au bout de 7 livres, quelque chose se dessine : je parle beaucoup de la construction difficile de l’identité, et en particulier de la féminité, et la réflexion sur la maternité est une composante naturelle de celle sur la féminité. Elle est survenue en 2020, date de l’écriture du roman, à un moment où j’en ai eu la force suite à un événement déterminant dans ma vie personnelle en 2019. J’aime aussi beaucoup travailler les personnages en souffrance, le bonheur n’ayant souvent pour moi pas grand intérêt en termes d’écriture. Ensuite, il me semble important que la littérature vienne perturber un peu le lecteur, par son regard différent, les thèmes ou les sentiments qu’elle ose aborder, mais toujours avec sensibilité et délicatesse dans l’écriture, qualités que l’on me reconnaît. Il est important aussi d’essayer de comprendre un parcours personnel avant de juger hâtivement la décision de quelqu’un : l’écriture laisse le temps de cela, et l’opportunité, par le pouvoir des mots, si ceux-ci sont justes.
Pouvez-vous nous expliquer le titre ? Faut-il y voir une référence explicite ?
D’habitude, j’ai des titres courts, mais celui-ci s’est imposé assez vite en début d’écriture, tout comme le choix de la belle couverture qui est un dessin de Sauvagère, une artiste normande qui vit à Paris. Les lecteurs penseront évidemment à « Rockollection » de Laurent Voulzy (chanteur que j’aime beaucoup), surtout que j’ai plusieurs livres avec des titres musicaux, mais le titre n’a pas de lien direct avec le contenu de cette chanson. Je ne peux pas trop en dire pour ne rien révéler de l’histoire mais il y a plusieurs petites filles « oubliées » dans le roman, celle qu’Anne attend, celle qu’elle a été aussi. Ce titre, que je trouve beau et plein de significations multiples, renvoie à l’idée banale que l’on ne guérit jamais de son enfance.
Vous vous intéressez beaucoup à l’art, dans sa globalité, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui vous fascine le plus dans la création ? Avez-vous une préférence pour une ou plusieurs de ses formes ?
On a souvent la gentillesse de me compter, en tant qu’auteur, dans la famille des artistes. L’écriture est un art à part entière, mais on a souvent de l’admiration pour ce que l’on ne maîtrise pas du tout. Me fascinent donc surtout les arts qui demandent évidemment sensibilité, imaginaire, sincérité, mais aussi une création qui passe par les mains dans leur contact avec la matière, étant incapable moi-même de tracer un dessin ! J’ai une préférence pour la peinture et la sculpture, et ressens de plus en plus le besoin d’en être entourée au quotidien, chez moi. Je pense que les arts et les artistes apportent énormément au monde et à l’humanité, leur démarche originelle étant d’essayer d’apporter du beau et du mieux-être aux autres en créant. C’est ce qu’ils m’apportent en tout cas, et je leur dois beaucoup.
Travaillez-vous sur de prochains livres ?
Oui. J’écris en général un livre par an. Un roman est déjà prêt : écrit en 2021, il paraîtra en 2023. Il continue mon travail sur la féminité, mais cette fois-ci à un âge où elle se fane, mais évoque aussi des relations mère / fille complexes. Et je suis en train d’écrire mon 9e livre (et 6e roman), sur le fonctionnement d’un couple où l’amour prend différents visages, tant il est fort et possessif.
ON A TOUS DANS LE COEUR UNE PETITE FILLE OUBLIÉE
Karine Langlois
Anne, l’âme cabossée, a réussi à se construire une vie à l’abri de ses anciennes douleurs. Son fragile équilibre chavire lorsqu’elle apprend être enceinte. Prise au piège de cette grossesse qu’elle ne parvient pas à accepter et à laquelle il n’est plus possible de mettre un terme, la future mère s’enferme et se replie, rongée par ce futur enfant qui grandit en elle, miroir de ses échecs et de ceux de sa lignée.
Karine Langlois, née à Bayeux en 1978, est professeur de français. Après un premier recueil de de textes, nouvelles et poèmes, elle a publié plusieurs romans et récits.
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