Photo en couverture © Shutterstock
Coll. Labo, 2020 • Format 12×19 cm • 190 pages
Version imprimée 9791093552989 • 14 euros
Version numérique 9791093552996 • 5.99 euros

Dzud

Romain Jaillant

Résumé

Dans une contrée lointaine soumise aux caprices d’une nature rugueuse et difficile, Oleg, jeune nomade des steppes, doit accomplir son rituel de passage à l’âge adulte. Sa quête le mènera aux confins des savoirs de son peuple. La découverte d’objets fantastiques, les livres, le plongera dans un imaginaire luxuriant d’autant plus séduisant que les secrets qu’ils révèlent sont réputés maudits. Entre fable et récit initiatique, Dzud nous invite à questionner la modernité, ses excès que nous connaissons tous, mais aussi ses qualités.

#dzud

Ce que les lecteur en disent...

Un regard original et surprenant pour évoquer avec douceur des sujets très actuels.

Comme une petite fable qui donne à réfléchir sur le monde.

Impossible de décrocher de cette histoire passionnante, qui nous emmène dans des réflexions sociales et environnementales sur notre monde.

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Extraits

Alors, on demeurait unis sous la tente principale où se consumaient les derniers crottins séchés du bétail. Derrière le feutre balayé par les vents, les hommes se blottissaient contre les bêtes pour se tenir chaud, dont les plus précieuses couchaient parmi eux. Dans le vacarme des bourrasques, quand la plaine hurlait, lorsque le sol vibrait, de fragiles paroles tentaient en vain de convoquer le printemps. La voix humaine pour se rassurer et braver l’isolement. Pourquoi ? Près de l’âtre, les mêmes questions revenaient. Et parfois, les conversations s’échauffaient.

Il cultivait son excentricité. Lors des repas partagés tous ensemble, il demandait par exemple à être servi dans un plat de petite dimension. Il s’obstinait à manipuler la nourriture à l’aide d’un outil muni d’un manche en os, dont l’extrémité creuse permettait de récupérer les aliments et leur jus, qu’il portait ensuite à sa bouche sans se souiller les doigts. Cela étonnait beaucoup les autres, qui, en dépit de leur bonne volonté, ne parvenaient pas à en percevoir l’utilité, puisque leurs pouces et index accomplissaient docilement la même fonction. Ce qui apparut d’abord comme une simple fantaisie devint burlesque lorsque l’on s’y essaya à son tour. Les aliments furent manipulés avec tant de maladresse qu’ils se répandirent partout, excepté dans la bouche, ce qui acheva de convaincre chacun que cette invention facétieuse avait été conçue seulement dans le dessein de se distraire.

Le garçon demanda un soir au colporteur d’où ses récits provenaient. Le vieux marchand répondit qu’ils dataient de la nuit des temps, transmis d’homme à homme, de père à fils. Mais comme Oleg insistait, le colporteur hésita, puis se leva. Il quitta la tente pour aller à la sienne, dont il revint en tenant un objet parfaitement mystérieux. À sa vue, les femmes ne purent réprimer un cri d’effroi et le regard de Youri s’obscurcit imperceptiblement. C’était un attribut de triste légende, habituellement associé aux drames, dont personne ne pensait qu’il put en exister de véritable. Il était constitué de fines lamelles végétales reliées à une tranche commune, si fragiles qu’elles se courbaient au toucher, si vieilles qu’elles s’effritaient au contact. En les manipulant de ses doigts, Sergueï faisait passer d’un côté à l’autre ce qu’il appela « pages » et sur lesquelles figuraient une multitude de signes d’apparence très similaires dans une infinité de nuances. Le souvenir humain, expliqua-t-il, contrairement à celui des livres, n’est pas immuable.

Romain Jaillant

Romain Jaillant est ophtalmologiste à Paris. Il est l’auteur d’un ouvrage consacréà l’histoire de sa discipline et aux ophtalmologistes célèbres (Ophtalmologistes,mais pas que, 2016), ainsi

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